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Wrote, Write, Written
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26 novembre 2008

Entre père et fille: Chapitre 2

depressiv2






Histoire Originale
Relation Familiale/Drame
POV (point of view): ...

Entre père et fille

(où le jeu du chat et de la souris) :

L'arrivée


« _ Je peux prendre Sarah pour… deux mois disons… ? »

 

Mon ex-femme s’étouffa au téléphone. Elle m’insulta des pires noms d’oiseaux, me rappela très bien que je n’étais présent dans le cœur de notre fille que par les cartes que j’envoie pour son anniversaire et pour la pension alimentaire. J’attendis que la tempête passe. C’est ce que je savais faire le mieux. Depuis quatre ans, je suis divorcée de ma femme, et ma fille vit loin de moi, à Paris. Une fâcheuse affaire avait forcée Marie –ma femme- à demander le divorce, et elle a obtenu la garde de notre fille. En effet, mon boulot n’était pas très stable, ni sans risque. Le juge me laissait voir Sarah uniquement pendant les vacances. Malgré tout, elle ne voulait ni me voir, ni me parler, et nos rares moments passés ensembles étaient bien tristes, si bien qu’elle n’ait pas venu durant les dernières vacances.

 

« _ Il y a un soucis avec ton boulot ? Tu veux lui présenter ta nouvelle copine ? »

 

 Une pointe de sarcasme se fit entendre dans ce dernier reproche. J’inspirai longuement. Marie comprit à ce moment là que si je demandais la gamine, c’était pour une urgence et elle me laissa parler. Je cherchai mes mots, et j’optais finalement pour l’annonce brutale mais franche :

 

« _ Je suis malade, je n’en ai plus pour longtemps… »

 

Je l’entendis s’effondrer sur le petit canapé de son appartement. Elle me questionna immédiatement, et je répondis à ses questions sans hésitation, lui répétant le long et lourd discours que m’avait imposé le médecin il y a une semaine. Au début, mon ex-femme pensait à une blague, cherchant une caméra cachée ou un autre artifice. Mais elle comprit rapidement, grâce au ton grave que je n’utilisais que très rarement, que j’étais sérieux et que j’allais vraiment mourir. Après une heure de discussion, Marie obtempéra et m’accorda le droit d’héberger Sarah pendant quatre mois, avec l’accord du juge. Elle raccrocha après m’avoir donné de plus ample informations sur l’arrivée de notre fille, la semaine d’après. Un immense sentiment de soulagement m’envahit alors, en pensant que j’allais revoir la chair de mon sang que je n’avais plus vu depuis un an. Mais à cela, s’ajouta la peur : elle ne m’appréciait plus, c’était fini les « Papa » qu’elle criait avant à tue-tête. Elle était devenue une adolescente type, me faisant opposition dans n’importe qu’elles circonstances. Le dialogue allait être difficile. Mon dernier objectif en tant qu’être encore vivant et en tant que père allait être de renouer avec ma fille.

 

D’un commun accord, Marie et moi avions décidé de ne pas avouer la vérité à Sarah. Du moins pas tout de suite. Le choc aurait été trop important pour moi : elle m’aurait laissé crever au bord d’un caniveau – elle me portait peu d’affection ces derniers temps je vous rappelle-. Et puis avouer à un enfant la mort imminente d’un parent, c’était dur. S’ils devaient se réconcilier, il valait mieux qu’elle ne sache pas qu’ils ne rattraperaient jamais ces quatre années perdues.

 

Elle arriva une semaine plus tard, et j’allai la chercher à la gare St Roch de Montpellier. Mon cœur avait manqué un battement lorsque je la vit descendre du wagon. Qu’est-ce qu’elle avait pu changer en un an ! Ses cheveux bruns qui étaient coupés en carré la dernière fois avaient étonnamment poussés et dessinaient de folles boucles qui lui tombaient jusqu’aux omoplates. Ses yeux étaient toujours aussi bleus –elle les tenait de sa mère-, mais ils étaient désormais accentués par de fins traits noirs tracés au rimmel, lui donnant étrangement un air de petite adulte sure d’elle. Pourtant ses tâches de rousseur éparpillées sur ses joues rappelaient son visage enfantin. Elle avait aussi changé de style vestimentaires : Fini la petite fille garçon manqué ne jurant que sur les jeans et les tee-shirts de ses groupes favoris, elle portait désormais des vêtements de sa confection, de couleurs vives, totalement en accord avec son esprit créatif. Elle était devenue une adolescente digne de ce nom, et les garçons devaient se battre pour ses beaux yeux. Ma fille… C’est fou comment les enfants grandissent.

 

Elle m’aperçut assez loin du quai et s’approcha vers moi, traînant derrière elle sa grosse valise verte. Pas un bonjour, pas une étreinte ni un baiser, pas même une simple poignée de mains. A peine un regard vers moi et vers la ville qui s’étendait vers elle. Je lui propose de prendre sa valise. Elle refuse. Elle ne veut pas que je pose la main sur ses affaires. Je marche donc derrière elle, les mains dans les poches, et j’observe sa fine silhouette avancer. Je suis sur que ce qui l’a convaincu à rester quatre mois ici, c’est la ville. Montpellier, sa ville de naissance, les rues dans lesquelles elle avait joué toute petite. Et même maintenant, elle était toujours amoureuse de l’architecture, du marché le dimanche, du Polygone, des petites ruelles de la Vieille Ville où s’entassent magasins de toutes sortes et petits cafés. Marie m’avait bien dit qu’elle n’aimait pas Paris. Elle n’aimait pas ce regroupement de gens, cette foule trop importante, ce manque d’air, tous ces grands magasins chics. Aussi j’ai réussi à apercevoir un sourire sur les lèvres de mon adolescente de fille lorsque nous sortîmes de la gare. Un sentiment de tristesse m’envahit alors que nous remontions la rue de Verdun, passant devant le McDo dans lequel elle voulait toujours manger, un parc où criaient des enfants, le luthier, et les restaurants asiatiques. Elle n’était pas venue pour moi, mais pour ce lieu, ce décor, ces gens, cet univers. Elle n’en avait strictement rien à faire de son pauvre père, sa mère l’a peut-être obligé à venir en la menaçant de baisser son argent de poche de moitié. Que j’avais été naïf. Avant, c’était une petite fille qui me courrait dans les bras en me demandant : « Dis papa, c’est quoi ça ? Ça sert à quoi ? On pourra aller au parc après ? ». Mais ce temps est révolu. C’est triste l’enfance, c’est si éphémère…

 

 

 

Après avoir pris le tramway sur la place de la Comédie, nous arrivions enfin dans mon appartement. Lorsque j’ouvris la porte, j’entendis la voix de Sarah pour la première fois depuis qu’elle était arrivée :

 

« _ Et bien. Pour une fois que c’est à peu près propre chez toi… »

 

Saleté d’adolescente. Si les reproches et les sarcasmes fusaient pendant deux mois, elle rentrerait à Paris illico. Mais je ne dis rien, allumant la lumière du salon. J’avais nettoyé l’appartement de fond en comble pour son arrivée : Des plantes resplendissaient dans l’entrée, entre mes chaussures éparpillée sur un vieux tapis rouge ramené d’Inde. Le salon, parqueté de bois foncé, était décoré encore par des plantes bien vertes, et un canapé orange occupait le milieu de la pièce. En face de ce canapé, se trouvait une table basse en bois claire, contrastant à merveille avec le parquet, où était installé une petite télé souvent utilisée. La pièce était remplie d’étagères, contenant énormément de bibelots, des disques de chanteurs et groupes de musiques dans lesquels on pouvait trouver Bob Dylan, les Rolling Stones, les Beatles ou encore Georges Brassens, Serges Gainsbourg… tous les grands musiciens qui ont marqués leurs temps avaient leur place sur ces étagères, en compagnie de livres sur la peinture ou des romans de plus de 700 pages. Communiquant avec le salon, derrière le canapé, se trouvait la cuisine. Entièrement carrelée en jaune et blanc, elle était affreuse et n’était pas du tout en harmonie avec l’ambiance du reste de la maison, familiale : la cuisine était sale, de la vaisselle encombrait le lavabo, du riz trainait par terre, les plaques chauffantes étaient brulées… Tout cela prouvait qu’il manquait une présence féminine dans cet appartement, ce qui arracha un ricanement narquois de Sarah qui, j’en étais sur, était en train de m’imaginer en train d’essayer de cuire du riz dans le micro-onde. Entre deux étagères, se trouvait un couloir menant à diverses pièces de la maison. La première porte sur la gauche était la salle de bain, carrelée de mosaïques bleues foncées et blanches, où se trouvaient des toilettes dernier cri, un lavabo dégoulinant de dentifrice où s’entassait de la mousse à raser, une brosse à dent et du parfum, et une petite douche contre le mur. La pièce à la droite du couloir était ma chambre : le lit deux places était fait –pour une fois-, les draps propres, mes vêtements étaient soigneusement pliés dans une commode en bois, et un bureau avec un vieil ordinateur ronronnait en face de la porte.

 

« _ T’inquiètes Eric, je ne ferais pas d’inspection, si c’est ça qui t’inquiétait. »

 

Elle m’appelait par mon prénom. A peine dix minutes passées en sa compagnie, et je sentais la colère me gagner. Mais je ne répondis toujours rien, l’accompagnant dans sa chambre, en face de la mienne. Elle sourit en remarquant que rien n’avait changé dans son « chez-soi du sud » comme elle l’appelait. Son lit simple trônait au milieu de la pièce, que j’avais recouverte de ses draps préférés. Mais elle ne l’avait pas remarqué. Son armoire était remplie de vieux habits, tous trop petits, qu’elle prit soin de balancer par terre pour trier ce qui était « potable ou jetable ». Ses murs étaient recouverts de chanteurs de rock ou de métal, qu’elle commença à enlever un par un, tout en marmonnant : « c’est vieux tout ça ». Seul les deux étagères, remplies de livres ou de DVD, et sa guitare électro-acoustique adorée rangée dans un coin de la pièce ne furent pas l’objet de changement, juste d’ajout concernant les étagères. Sarah sortit des livres, des fringues, des disques et elle commença à tout ranger, et je la regardai, amusé. Elle avait complètement oublié ma présence. Lorsqu’elle eut tout fini, elle me regarda rapidement, puis passa dans la cuisine et ouvrit le frigo et les différents placards.

 

« _ Bon… Franchement Eric, je me demande comment tu as fait pour survivre jusque là. Ta cuisine est un vrai dépotoir, tu n’as presque rien à bouffer… Je suis certaine que tu passais tes soirées au bar ou à bouffer des pizzas, avec Claire Chazal comme seule compagnie. Va falloir que je remédie à tout ça…

 

_ D’abord Sarah, tu m’appelles Papa. Et ensuite, ta mère ne t’a pas envoyé ici pour que tu joues à la femme de ménage. Répliquais-je, suffisamment agacé.

 

_ Sérieux ? Alors qu’est-ce que je fous ici ? » Demanda-t-elle, plus sérieuse que jamais.

 

J’en restai pantois. Elle pensait vraiment qu’elle n’était venue ici seulement pour me surveiller et être à mes petits soins ? Elle se prend pour Cosette ?

 

« _ Tu es ici parce que… j’avais envie de passer un peu de temps avec ma fille…

 

L’adolescente croisa les bras sous sa poitrine et haussa un sourcil, pensant très certainement : « ça fait longtemps que je ne suis plus ta fille… »

 

… et puis c’est moi ton père, ce n’est pas à toi de m’occuper de moi !

 

_ Ah bon ? Faut dire que t’es tellement irresponsable et faux-cul que je me pose des questions parfois… »

 

On se fusilla du regard durant un long moment. Je ne sais pas ce qui me retenait de lui foutre une bonne raclée, qu’elle se rende compte qui était l’adulte et qui était l’enfant ici. Mais ça n’aurait fait qu’aggraver le conflit qui régnait entre nous. Au bout d’un moment, elle se servit dans mon porte-monnaie qui était sur ma table, pris les clés de l’appartement et annonça qu’elle allait faire les courses pour ce soir. Elle claqua la porte derrière elle. Je me retins de crier et de laisser échapper ma rage. Tout ce que je fis, c’était me diriger vers mes étagères de disques, je pris un CD de Renaud et l’inséra dans ma chaine stéréo. La voix grave du chanteur envahit alors la pièce, et m’apaisa un moment. Je l’éteignis une fois le CD finit, et c’est à ce moment là que Sarah rentra, quatre sacs de course dans les deux mains. Elle refusa toute aide, et commença à ranger la cuisine et à préparer le repas du soir, dans un silence le plus glacial, alors que j’allumais la télé pour écouter Claire Chazal.

 

Ces deux mois passeront beaucoup plus lentement que je ne l’aurais imaginé…

A suivre...

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